S’il y a bien une chose qui n’a pas changé entre Avant et Après, c’est bien mon indépendance. Je n’ai jamais compté sur personne, et je ne souhaite pas que cela change. Toutes les personnes que j’ai pu aimer m’ont laissé tomber alors on repassera pour le côté « j’aime dépendre des autres et m’appuyer sur eux ». Mes parents n’étaient jamais là, alors j’ai bien dû apprendre à faire sans. Ouais, je vivais chez les parents de mon père, mais leur absence a toujours été très pesante, même si je la comprenais. Ils étaient passionnés, et c’était quelque chose qu’ils m’ont transmis. Je ne faisais jamais les choses à moitié avant, et je m’investissais à fond dans ce en quoi je croyais. Maintenant, les choses ont changé. Je m’en fous un peu de tout. Tout ce qui compte c’est que je puisse enfin mettre les voiles. Je n’ai plus envie de dépenser de l’énergie dans le vent, ça c’est fini. Maintenant je m’investis légèrement dans les combats que je suis sûre de gagner et le reste, je m’en fous comme du premier sorcier qui a dompté un dragon. Cette foutue vie m’a arraché ma mère, alors franchement je ne crois pas qu’elle puisse m’apporter quelque chose de bien. Si je veux quelque chose, je ne peux compter que sur moi et moi seule. Je suis devenue assez associable moi qui pourtant avant était une grande bavarde. Et surtout, je suis devenue une belle menteuse. Je fais mine de ne pas comprendre ce que l’on me dit, endossant le rôle de la pauvre petite anglaise perdue, qui vient de débarquer et qui ne comprends pas parfaitement cette langue qui est celle de ma mère. C’est pas le cas hein ! Je suis parfaitement consciente de ce qu’on me dit. Mais ça m’amuse de faire tourner les gens un peu en bourrique surtout quand ils m’ont cassé les pieds avant, ou que je sens qu’ils vont le faire Rancunière ? complètement. Vous n’avez pas idée. Demandez donc à mon patriarche… Bon à côté de ça, je ne suis pas non plus un monstre… j’ai le cœur en mille morceaux et je souffre atrocement, même si je le cache. J’ai toujours été trop émotive et sensible. Maman disait que j’étais faite pour bosser avec des créatures magiques, et prendre soin d’elles. Elle me répétait souvent que j’avais le cœur sur la main, même si je n’étais pas franchement d’accord avec elle. Disons que je me retrouve dans les créatures magiques. Elles sont féroces et indomptables au premier abord. Elles n’accordent pas leur confiance et il faut s’en montrer digne. Alors là, seulement là, elles s’ouvrent à vous et se dévoilent. Elles se montrent loyales et protectrices, et elles ne vous trahiront pas. Jamais. En tout cas c’est comme ça que je vois les choses, et même si je me cesse de répéter que l’ancienne Laïla est morte en même temps que ma Maman, au fond, je sais que je suis toujours là même. En plus meurtrie et moins naïve. J’ai des bons côtés quelques fois. Demandez à Torben. Même si je passe beaucoup de temps à lui pourrir la vie et à jouer mon incomprise, je peux être sympathique et rigoler. Ouais, avant j’étais d’un humour débordant que j'aimais partager. A présent, je le garde pour moi. Parce que ça me rappelle lui, et j’ai pas envie de lui ressembler. Tout est de sa faute, et je ne suis pas du genre à pardonner. En tout cas c’est ce que je répète à tout va. J’ai besoin d’en vouloir à quelqu’un et diriger ma haine vers une personne tangible. Et c’est tellement plus simple de faire semblant de le détester, de le repousser, de lui faire vivre un cauchemar plutôt que de m’écrouler en pleures dans ses bras et le laisser panser mes plaies. Je n’arrive pas à m’ouvrir, et je n’ai pas versé une seule larme depuis que c’est arrivé. Je dois être forte, et cacher toute cette détresse qui comprime mon cœur. Parce que je ne comptais sur personne pour m’aider. Maman m’a abandonné, alors qu’elle avait promis d’être toujours là pour moi. Et Papa… Papa il ne comprend rien à rien et n’a pas la force ni la volonté de percer ma carapace. Il pense sincèrement que je le déteste et il a baissé les bras. Il m’a aussi laissé tomber alors que j’ai terriblement besoin de lui pour avancer et faire mon deuil. Il ne reste que moi et moi seule. Et cette solitude me semble sans fin, sans remède.

Aujourd’hui, c’était mon anniversaire. Mais pas n’importe lequel. C’est celui de mes dix-sept ans, celui où, officiellement, selon la loi magique anglaise, fait de moi une personne majeure. Je l’avais attendu depuis si longtemps. J’avais compté les jours qui me restaient à attendre, les barrant sur un calendrier depuis que j’avais finis les cours à Poudlard. Ce jour, je l’attendais depuis une éternité et enfin, enfin, il était arrivé. J’avais trépigné d’impatience, attendant devant la porte que mes grands-parents viennent me chercher et m’emmener chez eux. Je les connaissais assez pour savoir qu’ils m’avaient surement sortis le grand jeu, quand bien même, j’avais refusé de venir passer un nouvel été chez eux. Je n’étais plus une petite fille, et je pouvais rester toute seule, dans la maison acheté par mes parents il y a trois ans, aux abords de Londres. Un mois, ce n’était pas la mer à boire après tout. Et puis, il y avait les voisins qui passaient régulièrement me voir, comme Adam – mon petit ami – et quelques amis. D’ailleurs, ils devaient se joindre à nous pour le dessert. Papa et Maman devaient, quant à eux, arriver un peu avant le repas. Cette journée s’annonçait parfaite. J’avais moi-même sorti le grand jeu. Aux placards mes jeans habituels et mes tops, et bonjour la belle robe rouge. J’ai même mis des talons pour vous dire ! Ils n’allaient vraiment pas en revenir, ça ne faisait aucun doute. Fini la petite Laïla ! Place à Laïla la jeune femme séduisante, sûre d’elle, et… Majeure.

« Joyeux anniversaire Laïla. »

Murmurais-je en soufflant une bougie que j’avais plantée sur un gâteau sec de la marque Prince. Mon assurance et ma bonne humeur avait fini par s’effilocher à mesure que les heures s’étaient écoulées. Mes grands-parents n’étaient pas venus me chercher. Ni même mes parents, mon parrain, mon petit ami, ou un quelconque amis d’ailleurs. Il était à présent six heures du soir, et toujours personne en vu. J’avais envoyé un hibou, mais il n’était pas revenu, et mes coups de téléphones résonnaient dans le vide, ou débouchaient sur un répondeur qui contenait déjà plusieurs de mes messages. J’avais fini par me faire à l’idée qu’ils m’avaient tous oubliée. Aujourd’hui aurait dû être une très belle journée, et je l’avais attendu avant tant d’impatience. Mais ils l’avaient gâché. Ils l’avaient tous gâché. Je balayais tout ce qui se trouvait sur la table d’un mouvement de main, avant de m’adosser au mur, et y glissais le long, jusqu’à me retrouver par terre. Je serrais mes genoux entre mes bras, et des larmes se mirent à couler sur mes joues. Seule. Abandonnée… Voilà ce que j’étais.

«  Laïla ? Laïla ma chérie, regarde par là… Ahhh Nolan, je ne vais pas y arriver, ta fille n’arrête pas de bouger. » « Elle ne sait pas tenir en place, comme sa maman. » « Ou comme son papa tu veux dire ! » « Tu as raison. Comme nous deux. »

Souriant jusqu’aux oreilles, ma mère laissa tomber l’appareil photo pour venir embrasser mon père qui la regardait avec les yeux les plus tendres du monde. Je venais d’avoir six ans, et comme chaque année, nous fêtions cela tous ensemble. Aujourd’hui, nous étions en plein cœur d’un désert d’Egypte, que j’avais décidé de cartographier. Mon père venait de m’offrir tout l’équipement nécessaire à cela et ma mère avait finalement été résignée en voyant que je ne m’intéressais absolument pas à la poupée qu’elle m’avait choisi. J’avais trop de choses à voir et à faire pour me préoccuper du jouet. Il fallait que je dessine puis note toutes les coordonnées des dunes, même si demain, elles ne seraient plus à la même place. C’était la mission que je m’étais donnée et je comptais bien l’accomplir. Je ne facilitais pas franchement la tâche de ma mère qui consistait à immortaliser cet instant. Enfin, ça c’était avant qu’une paire de bras me soulèvent. Je protestais un « Maiiis » pour la forme, avant de décider de prendre la pose avec l’homme qui était arrivé à m’attraper. Mon parrain bien sûr. Il s’était glissé derrière moi, et avait profité que j’ai l’esprit ailleurs pour que je me laisse prendre en photo. Je me décidais quand même à tirer la langue au dernier moment, juste pour le plaisir, avant de retourner à ma tâche. Mon père ne put s’empêcher de rire, suivi par Gustave – le dit parrain – . Quand à ma mère, elle leva les yeux au ciel avant de rire à son tour et de me prendre en chasse

« Viens là, petite canaille. Fait gaffe si je t’attrape… »

. Je lâchais mes instruments d’apprentie archéologue pour jouer à chat avec ma mère. Je riais de bon cœur. Ma vie de petite fille n’était pas parfaite, mais aujourd’hui, elle l’était à mes yeux.

« Laïla ? Ma Puce, réveilles toi, il est l’heure. »

Mon père avait frappé à ma porte, mais je n’avais pas répondu. J’étais restée allongée, dans mon lit, bien décider à lui faire comprendre ce que je pensais de tout cela. Je n’allais pas lui faciliter la tâche. Ni à lui, ni à maman d’ailleurs. Ils m’abandonnaient, voilà ce qu’ils faisaient. Ils me laissaient sur le banc de touche parce qu’à présent, j’étais un poids pour eux. Du haut de mes sept années, je n’étais qu’un fardeau pour eux. J’avais fait une bêtise oui, mais je m’étais excusée pour ça. Je n’avais pas fait exprès de casser le vase qui contenait un maléfice. Je n’avais pas fait exprès de détruire leurs matériels et de les obliger à rendre des comptes à leurs patrons. Je ne l’avais pas fait exprès du tout. Et pourtant, ils avaient décidé de me punir, et de la pire façon qui soit. Ils avaient décidés de me laisser tomber, et m’abandonner dans une maison, avec des gens que je ne connaissais pas. Ils étaient de ma famille, les parents de mon père, oui, mais je ne les connaissais pas, et je ne voulais pas les connaitre. Je voulais rester avec ma maman et mon papa. Je voulais continuer à voyager avec eux, à découvrir différent pays. Je ne voulais pas rester en Angleterre et loin d’eux. Ils avaient promis de revenir le plus souvent possible, mais je connaissais leur travail. Je savais qu’ils ne rentreraient pas régulièrement et qu’ils finiraient par m’oublier, par ne plus m’aimer. Cela allait arriver, même s’ils m’avaient certifiés que jamais, je ne quitterais leur cœur et qu’à chaque heure, qu’à chaque minute, qu’à chaque second passé loin de là, ils ne cesseraient de penser à moi. Mais c’était un mensonge, je le savais très bien.  D’abord Gustave, et maintenant eux. D’abord mon parrain, décédé à cause d’un moldu ivre, et maintenant eux. Des larmes silencieuses coulaient le long de ma joue, et venaient s’écraser sur mon oreiller.

« Nous devons partir ma Chérie. S’il te plait, laisse nous te dire au revoir… Je t’en supplie, soit raisonnable Laïl… » « VA – T – EN ! JE TE DETESTE TOI ET ELLE ! JE VOUS DETESTE ! »

J’avais relevé la tête  et tout ce sur quoi mon regard ce posa s’envola en sa direction. Lampe, réveil, oreiller, peluches. D’un coup de baguette, il arrêta tout et les renvoya à leur place, comme si de rien n’était, comme si rien ne s’était passé. Quant à moi j’étais de nouveau écroulée dans mon lit, le visage enfouis sur la couverture. Quelques secondes après, je sentis mon père m’étreindre avec toute la tendresse et tout l’amour qu’il ressentait pour moi. Mais… Cela ne suffisait pas. Je voulais qu’il m’amène avec lui, et qu’il ne m’abandonne pas. Il me murmura un

« je t’aime »

, avant de s’en aller et de me laisser. Je sortais en trombe de mon lit, et entendant la voiture démarrer. Je courrais comme une dératée dans le couloir et les escaliers pour les rattraper, mais il était trop tard. Je leur criais de revenir, mais ma voix fut perdue. Les deux vieilles personnes voulurent me prendre dans leurs bras, mais je les repoussais avant de m’enfuir en courant. Aujourd’hui, je venais de manifester des pouvoirs de sorcière, mais au lieu de m’en réjouir, cela ne fit que redoubler mes pleurs. Je me retrouvais seule, toute seule. Et pour la première fois de ma vie, je n’eus ni envie de rire, ni envie de sourire. Il pleuvait ce jour là. Appuyée contre le rebord de ma fenêtre, je regardais les gouttes tomber, et inonder les terres. Il n’y avait plus un bruit dans la maison. Tous les invités étaient partis et un silence pesant résonnait entre les murs. Je n’avais qu’une seule envie, disparaitre et oublier. Un désespoir avait envahi mon cœur qui saignait et pleurait, chose que les yeux n’arrivaient pas à faire. Elle ne reviendra pas. Elle m’avait définitivement abandonnée. Tout était de sa faute, de sa faute à Lui. Il était son époux, l’homme qui l’aimait, son responsable au travail, celui qui aurait dû la protéger. Mais il avait échoué, et elle en était morte. Elle était partie avec lui dans une énième mission pour Gringott en qualité de briseur de sort, et elle n’était pas revenue. Un éboulement dans un temple grec m’avait enlevé ma mère. Je le détestais, tout était de sa faute. A lui et à lui seul. Si j’avais été là… J’aurais pu la sauver. Je n’étais peut-être pas la meilleure élève de Serdaigle, mais je m’en sortais bien et mes professeurs me trouvaient plutôt doués. Si j’étais complètement à la masse dans les cours de Sinistra, et Trelawney, je m’en sortais vraiment bien avec Chourave, Brûlopot et Rogue – professeur exécrable au possible soit dit en passant -. D’après Flitwick, - le directeur de ma maison à Poudlard - j’avais de l’avenir auprès des créatures magiques et si mes notes se maintenaient dans ces matières, je trouverais tout de suite du travail après mes ASPICS. Cette idée me réjouissait, moi qui ne rêvait de que de faire mes preuves et devenir indépendante. Je voulais que mes parents me voient, me remarquent et soient fiers de moi comme je l’étais d’eux. Mais cela n’arriverait plus. Mes rêves étaient morts avec Elle, Elle que j’avais refusé d’enterrer, Elle que je n’avais pas accompagné au cimetière aux côtés de mon père et de mes grands-parents. Il ne me restait que des souvenirs et des photos d’Elle. Et sa baguette. Prenant la mienne dans mes mains, je la brisais en deux morceaux, puis quatre, puis huit avant d’ouvrir la fenêtre et de jeter les morceaux à travers. Je n’en voulais plus. Je ne voulais plus rien qui puisse me rapprocher de lui et m’éloigner d’elle. Je voulais partir d’ici, de cette maison qui me rappelait sans cesse sa perte, qui me rappelait qu’Il avait échoué et que je le détestais. J’avais besoin d’air, de prendre le large. Mais je ne bougeais pas. Je laissais le vent et la pluie s’engouffrer dans ce qui me servait de chambre, mouillant ma peau, mes vêtements, mes cheveux et mes affaires. Je serrais contre moi sa baguette et regardais au loin l’orage, ne pouvant m’empêcher de prier silencieusement Son retour. Elle ne pouvait pas être morte, elle n’avait pas le droit. Non elle n’avait pas le droit de me laisser tomber, de m’abandonner une nouvelle fois. Je m’en foutais que ce soit la guerre et des tensions qui remuaient le pays. Je m’en foutais des rumeurs sur vous-savez-qui, et de ses partisans. Je m’en foutais de ce ministère et de ses actions. Tout ce que je voulais, c’était qu’Elle me revienne.

« Maman, reviens, je t’en supplie. J’ai encore tant besoin de toi ».

Dumstrang. Cette école où Maman avait étudié. Elle était majestueuse, et même si je ressentais de la tristesse  à l’idée de ne pas retourner à Poudlard, j’étais heureuse de passer les portes de cette nouvelle demeure. Le début d’une nouvelle vie, d’une nouvelle Laïla. Mon patriarche s’étant débarrassé de colis encombrant qu’était sa fille en la refilant à un parfait inconnu moldave, soit disant ami d’enfance de ma mère, je me retrouvais là à présent. Je n’avais essayé de le convaincre de me laisser rester en Angleterre. Je ne le voulais plus. Je ne voulais plus rien de lui. Je ne voulais plus parcourir les couloirs de SON école, et voir son nom écrit sur l’une des coupes de Quidditch. Je ne voulais plus que l’on sache qu’IL était mon père et qu’on vienne me présenter des condoléances. Je ne voulais plus qu’on me parle de Lui ou d’Elle. Je voulais rester seule, comme je l’avais toujours été finalement. Je replaçais mon écharpe autour de mon cou. Il faisait vraiment froid par ici, que j’en tremblais légèrement. A moins que ce soit l’appréhension ? Allez savoir. Je ne savais pas vraiment ce qui m’attendait, mais j’étais certaine que ce serait mieux que ma vie actuelle. Si j’avais su, je ne serais pas entrée dans cette maudite école. Le sort s’acharne contre moi et je commence à croire que je suis une véritable porte malheur.Je ne sais pas trop ce qui est en train de se passer, mais les choses vont mal dehors, et me font comprendre qu'un chaos encore plus grand que le mien se joue dans le monde entier, ce chaos que j’ai tant ignoré et rangé dans un petit coin de ma tête. Il était temps que j’ouvre les yeux : tout ne tourne pas autour de ma pathétique vie, et il y avait des choses plus importantes, plus grandes ; même si c’est plus facile à dire qu’à faire. Parce que ces murs sont en train de me faire plonger peu à peu dans un désespoir dont je n’entrevois pas la fin. Je pensais avoir regagné du poil de la bête avant d’entrer dans cette école, mais je m’étais trompée. Je suis en train de me noyer et personne ne peut m’aider. Personne. Je suis seule. Si seule.